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Le guetteur d'arc-en-ciel

Divers poèmes

RECETTE

 

Décrocher un bel arc-en-ciel,

Le défroisser du bout des doigts

Pour l'étaler avec grand soin ;

 

Choisir ensuite un fil de lune

Et enfiler l'une après l'autre

Des étincelles en kyrielle ;

 

Cueillir devant chez-soi le rire d'un passant

Bien l'arroser de vent d'autan

Et relever d'un rien de bise ;

 

Rouler le tout dans l'arc-en-ciel

Puis dans un plat de pur cristal

Placer au four sans plus attendre ;

 

Laisser mitonner le temps qu'il faudra.

A déguster du bout des rêves,

En contemplant les hirondelles.

 

03 11 15

 

XXX

 


QUI ?

 

Et qui suis-je après tout

Avec mes mains cent fois lavées

Mon panier d'étincelles ?

 

Un fou du roi

Un troubadour d'antan

Qui chercherait sa vielle ?

 

L'envoyé d'un Baal

Pour macérer des philtres

Agiter des crécelles ? 

 

Ou les cheveux d'un ange

Avec les pieds d'un bouc

Et les sursauts d'une hirondelle ?

 

Et qui suis-je après tout

Si ce n'est l'oiseau blanc

Le guetteur d'arc-en-ciel ?

 

Mai 1967

 

 

XXX

 

 

REVES

 

Si tu viens dans ma maison

Prends bien garde en ouvrant les fenêtres

Un rêve pourrait s'envoler.

J'en ai de pleins paniers

Posés comme ça au p'tit bonheur

Et ils ont tous envie d'aller flâner

 

De jouer aux gendarmes et aux voleurs

Avec les chats de gouttières

Sur les toits de Paris

 

D'accrocher des lampions

De toutes les couleurs

A la barbe de la tour Eiffel

 

Ce sont des rêves de vaurien

Habillés comme Arlequin

Et qui vont à pas de danse

 

N'ont pas plus de plomb dans la tête

Que bulles de savon

Et voguent ou volent mes feux-follets

 

Si tu viens dans ma maison

Prends bien garde en ouvrant les fenêtres

Un rêve pourrait s'envoler

 

juillet 1968

 

XXX

 

VOILA-T-Y PAS

 

Voilà-t-y pas qu’la lune

S’met à faire des bonds d’chèvre

Par-dessus la tête des maisons

 

Voilà-t-y pas qu’les rues

S’en vont à la pêche

Un réverbère dans chaque main

 

Voilà-t-y pas qu’la Saône

S’en va au bras du Rhône

Faire une ballade en mer

 

Voilà-t-y pas qu’les agents d’ville

Font des sourires aux papillons

Et qu’ils jouent à chat perché

 

Voilà-t-y pas qu’le vin d’ma cave

S’met à sauter à cloche-pied

Et à danser la samboucta

 

Voilà-t-y pas qu’tout ça ça chante

Voilà-t-y pas qu’tout ça ça rêve

Voilà-t-y-pas qu’c’est un vrai dimanche.

18 11 68

 

XXX

 

LUNE

 

Les naseaux

Des chevaux

De la lune

Fument

 

Bouquets d'étoiles

En étincelles

Sous leurs sabots

Volent

 

Les continents

Holà

Les continents

En ont un haut-le-cœur

 

Qui connaît

Le sacré

Sacripant

Qui a osé

 

Chatouiller

Les chevaux

De la lune

Sous les naseaux

 

Avec

La plume

De

L'ami Pierrot

 

7 3 69

 

 

XXX

 

PEOPLE

 

Le sage à l’air entendu

Ecouta d’une oreille attentive

Ce que lui confia en secret

L’homme du peuple apprivoisé

 

Il consigna tout cela

Avec ses propres commentaires

Dans un grand livre rouge

Que préfaça l’un des Larousse

 

L’ouvrage fut un succès

Il obtint le prix Goncourt

Et celui de l’arc de triomphe

On en parla au vingt heure

 

C’était la recette des pois cassés

1992

 

XXX

 

 

    

 

BRAISES

 

J'aime la flamme pour son vin

Ses clameurs et ses couteaux

J'aime la flamme au corps de femme

Flamme liane aux hanches de gitane

 

Mais j'aime aussi la braise qui frissonne

Au moindre attouchement du vent

J'aime la braise qui rue et se cabre

Tout au bout du bâton qui l'agace

 

Mais j'aime surtout la braise apaisée

Qui écoute la nuit et qui murmure à peine.

 

 

 

25 10 71

 

XXX

 

        

 

HISTOIRE DE MOTS

 

J’ai mis tes mots dans mon panier,

Sans voir qu’il était percé ;

Certains se sont envolés

Et d’autres sont tombés.

 

J’ai su en ramasser

Mais je n’avais pas d’ailes

Pour aller tout là-haut

Chercher les plus agiles.

 

Ces quelques-uns que j’ai sauvés

J’en ai fait ce bouquet

Pour enchanter les yeux :

Soigne-le bien, arrose-le

 

octobre 2015

 

 

XXX

 

 

DIT DE LA POUBELLE

 

Excuse-moi si je t’ai éveillé

Je sais,

J’ai la voix rauque

Voix de souillon

Excuse-moi

 

Excuse-moi

Pour ce rêve

Séché à ma plainte

Le sol est si dur

Quand je retombe

 

C’est un fichu métier

Il faut  se salir les mains

Pas le  temps de rêver

D’être belle

 

J’aurais pu naître cuivre

Moirer la flamme

Mais c’était dit

Je suis poubelle

 

J’avais l’air équivoque

Dans la vitrine

Et déjà mes clins d’œil

Fleuraient  trop l’épluchure

 

On m’a mise sur le  trottoir

Et du trottoir à la resserre

Lourde des salissures

Bavant l’ordure

 

Cabossée

Titubante

J’ai mal d’être fière

Encore

Et je cache mes mouches

 

Excuse-moi si je t’ai éveillé

Referme ta fenêtre

Va retrouver tes rêves

Et laisse-moi

La nuit

24 01 67

 

XXX

 

CREPUSCULE

 

Le jour s’effeuille

En demi-teintes

Passe un nuage

A pas de rêve

 

Un oiseau là-bas

Tisse son chant

Dans les secrets

D’un solitaire

 

Encore Fripon

Qui jappe clair

Puis les portes

Qui claquent

 

Et c’est l’heure venue

D’aller boire à la lune

Qui s’en vient

A pas de reine

18 1 67

 

XXX

 

 

PAS FACILE 

 

Pas facile d’être un oiseau-mouche

D’avoir deux pattes au lieu de six

De se regarder dans la glace

Au côté d’un aigle royal

 

Pas facile d’être un oiseau-lyre

Et de ne pas pouvoir jouer

De l’accordéon du banjo

De la guitare ou du pipeau

 

Pas facile d’être un oiseau noir

Quand on aime la vie en rose

Les fleurs de toutes les couleurs

L’or du soleil dans le ciel bleu

 

Pas facile d’être un oiseau blanc

Quand la  pollution la grisaille

Vous obligent à voler très haut

Pour deviner les arcs-en-ciel

 

11 12 15

 

XXX

 

 

L’HIVER

 

Bonne femme l’hiver

A de la neige sous ses sabots

Elle a le nez qui goutte

Le rire qui grelotte

 

Elle a des claques de bise

Qu’elle nous jette à la figure

Et des breloques de glace

Qu’elle accroche  au bord des toits

 

Elle cire les trottoirs

Pour culbuter les vieilles gens

Elle invente des pas de danse

Sur des parquets de verglas

 

Elle joue tant de tours aux passants

Que par les bois et les forêts

Les arbres qui sont de braves gens

En attrapent des cheveux blancs

18 8 68

 

XXX



 

SABLIER

 

Le sable a tout son temps

Pour élever la dune

Ou cerner l’océan

 

Il compte grain à grain

Mais ne sait que l’instant

Car il est sans mémoire

 

Qu’on le tourne ou retourne

Jamais son sablier

Ne revient à hier

 

23 11 15

 

 

 

XXX

 

 

 

GRENIER

 

 

Dans mes coffres aux trésors

J'ai des refrains pour toutes les chansons

Des carafes pour toutes les liqueurs

 

Dessous des hardes de baladin

Voici les ors de Balthazar

Et la lanterne d'Aladin

 

Voici des harpes pour les grillons

La baguette de Mélusine

Et le soulier de Cendrillon

 

Voici une mouette un planeur

Le rire d'une cascade

Et des peintures et des couleurs

Choisis

 

14 06 68

 

XXX

 

 

JOURNALISTES

 

Je nous le demande accusés:

Qu'as-tu fait de ton métier ?

Il te vint de rencontre

Ou je l'avais choisi :

Fardeau de mains tendues

De corps et de cris, de foules et de fringales

Et nous et moi pour inventer le sens...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Il te donnait peine et solitude

Mais la gloire de précéder le jour,

D'être là pour la naissance

De peser au premier cri son destin de clameur

D'être veilleur de cauchemars pour accoucher l'espoir...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Il devint quotidien, jours tracés,

Heures de service et puis on ferme,

Recette de mots blêmes

A conjuguer au passé décomposé

Doigt sur la couture

Et cul tendu vers la carrière...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Et ma fille qui vivra

L'avenir que je parture

Devra récuser notre enfant :

Je nous serons les accusés

D'avoir étés veules et sans voix

Devant le talent du monde...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier ?

Juin 1980

 

XXX

 

BOHEME

 

 

N'ai jamais voilé que l'air du temps ;

Ventre plus creux que tronc d'église,

N'ai pour arme qu'un pipeau

Et pour ami un chat-huant.

 

Mais, si goulot m'était donné,

Deviendrais plus riche qu'un tonnelier,

Aurais demeure en pierre de neige

Et monture à l'amble du vent ; 

 

Mettrais costume à paillettes

et, pourquoi pas ? chapeau pointu,

Nœud de pie, queue de papillon,

Serais élu roi des clowns !

Accrocherais ma balançoire

Aux cornes du Bélier

Et jouerais aux quilles

Avec les mats des réverbères ; 

Et si enfin tout chavirait,

Roterais à la figure des gens

Avant d'endormir mon pipeau,

De bercer mon chat-huant.

27 11 68

 

XXX

 

CONTE A DORMIR DEBOUT

 

L’aubade du clair de lune

Fera danser des lutins

Dans la chambre des fées

Quatre cigales et trois grillons

Donneront la musique

Un gros nuage au ventre blanc

Servira d’édredon

Une toison de zibeline

Sera taie d’oreiller

On laissera le temps au millepatte

De délacer un à un ses souliers

Puis on s’endormira

Dans le nid d’un oiseau

 

17 03 16

 

XXX

 

 

PROCESSION

 

Des maîtres cubes de béton

Processionnent en rang d'oignons

Sous la bannière du néon

 

Frères laids consacrés concentrés

Ils écarquillent leurs fenêtres

En égrenant leurs litanies

 

Suant l'asphalte et le bitume

Ils mènent jusqu'aux chaumières

Leur procession d'abrogation

 

Et bavant des chêneaux

Ils balancent leurs encenseurs

Pour les vêpres du temps

1967

 

XXX

 

 

LE VENT

 

Quand mon ami le vent s'en revint de Bohème

Il avait dans ses poches un flacon de bon vin

Des rires des chansons et mille facéties

 

Quand le vent mon ami arriva sur la place

Il fit la pirouette juste devant le maire

Et hop sans prévenir lui vola son chapeau

 

Puis voyant arriver madame la crémière

A pas coquins le vent s'approcha d'elle et frou

Souleva son jupon fit voler ses dentelles

 

La ville s'offusqua des frasques de ce vent

On alerta le brigadier

Qui sacra, bougre de bougre, et dressa procès-verbal

 

Mais ce vent-là mon vieil ami

S'en vint frapper à mon volet

Et je crus bon de lui ouvrir tout grand

 

Il vint s'asseoir dans mon fauteuil

Je lui offris un verre de vieux rhum

Il le vida d'un trait puis il claqua la langue

 

Enfin il croisa les mains sur son ventre

Et sans plus de façons lui mon ami le vent

S'endormit là dans mon fauteuil.

 

1970

 

 

XXX

 

 

 

 

ICEBERGS

 

Monstres pour l’homme

Ils errent sur les flots.

On les voit quelquefois

Balancer un oiseau

Sans bien savoir

Comment le réchauffer.

 

Ils pourraient faire trembler

Exiger leur part de feu

Mais ils passent en frissonnant,

Marchant d’un pas pénible,

Toujours au large,

Sans s’incliner.

 

Et, au bout de la route,

Les voilà qui s’écorchent,

Qui s’arrachent et succombent,

Ne laissant qu’un grand cri

Et quelques larmes dans la mer.

 

09 05 67

 

XXX

 

QUETE

 

Pour que du nid au jour l'attente s'en aille éclore

Et soient comblés les veilleurs

Ecuyers

Au gonfanon de sang

Barbares

Aux cheveux dénoués

Ils ont armé leur poing d'un tranchoir

Et

Mordus de fringales

Creusés de gel

Taraudés de feu

Ils ont bondi vers les astres

Pour arracher aux tripes du vent

Un breuvage philosophale

Fait de foudre

Et de lune

 

Juin 1968

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RECETTE

 

Décrocher un bel arc-en-ciel,

Le défroisser du bout des doigts

Pour l'étaler avec grand soin ;

 

Choisir ensuite un fil de lune

Et enfiler l'une après l'autre

Des étincelles en kyrielle ;

 

Cueillir devant chez-soi le rire d'un passant

Bien l'arroser de vent d'autan

Et relever d'un rien de bise ;

 

Rouler le tout dans l'arc-en-ciel

Puis dans un plat de pur cristal

Placer au four sans plus attendre ;

 

Laisser mitonner le temps qu'il faudra.

A déguster du bout des rêves,

En contemplant les hirondelles.

 

03 11 15

 

XXX

 


QUI ?

 

Et qui suis-je après tout

Avec mes mains cent fois lavées

Mon panier d'étincelles ?

 

Un fou du roi

Un troubadour d'antan

Qui chercherait sa vielle ?

 

L'envoyé d'un Baal

Pour macérer des philtres

Agiter des crécelles ? 

 

Ou les cheveux d'un ange

Avec les pieds d'un bouc

Et les sursauts d'une hirondelle ?

 

Et qui suis-je après tout

Si ce n'est l'oiseau blanc

Le guetteur d'arc-en-ciel ?

 

Mai 1967

 

 

XXX

 

 

REVES

 

Si tu viens dans ma maison

Prends bien garde en ouvrant les fenêtres

Un rêve pourrait s'envoler.

J'en ai de pleins paniers

Posés comme ça au p'tit bonheur

Et ils ont tous envie d'aller flâner

 

De jouer aux gendarmes et aux voleurs

Avec les chats de gouttières

Sur les toits de Paris

 

D'accrocher des lampions

De toutes les couleurs

A la barbe de la tour Eiffel

 

Ce sont des rêves de vaurien

Habillés comme Arlequin

Et qui vont à pas de danse

 

N'ont pas plus de plomb dans la tête

Que bulles de savon

Et voguent ou volent mes feux-follets

 

Si tu viens dans ma maison

Prends bien garde en ouvrant les fenêtres

Un rêve pourrait s'envoler

 

juillet 1968

 

XXX

 

VOILA-T-Y PAS

 

Voilà-t-y pas qu’la lune

S’met à faire des bonds d’chèvre

Par-dessus la tête des maisons

 

Voilà-t-y pas qu’les rues

S’en vont à la pêche

Un réverbère dans chaque main

 

Voilà-t-y pas qu’la Saône

S’en va au bras du Rhône

Faire une ballade en mer

 

Voilà-t-y pas qu’les agents d’ville

Font des sourires aux papillons

Et qu’ils jouent à chat perché

 

Voilà-t-y pas qu’le vin d’ma cave

S’met à sauter à cloche-pied

Et à danser la samboucta

 

Voilà-t-y pas qu’tout ça ça chante

Voilà-t-y pas qu’tout ça ça rêve

Voilà-t-y-pas qu’c’est un vrai dimanche.

18 11 68

 

XXX

 

LUNE

 

Les naseaux

Des chevaux

De la lune

Fument

 

Bouquets d'étoiles

En étincelles

Sous leurs sabots

Volent

 

Les continents

Holà

Les continents

En ont un haut-le-cœur

 

Qui connaît

Le sacré

Sacripant

Qui a osé

 

Chatouiller

Les chevaux

De la lune

Sous les naseaux

 

Avec

La plume

De

L'ami Pierrot

 

7 3 69

 

 

XXX

 

PEOPLE

 

Le sage à l’air entendu

Ecouta d’une oreille attentive

Ce que lui confia en secret

L’homme du peuple apprivoisé

 

Il consigna tout cela

Avec ses propres commentaires

Dans un grand livre rouge

Que préfaça l’un des Larousse

 

L’ouvrage fut un succès

Il obtint le prix Goncourt

Et celui de l’arc de triomphe

On en parla au vingt heure

 

C’était la recette des pois cassés

1992

 

XXX

 

 

    

 

BRAISES

 

J'aime la flamme pour son vin

Ses clameurs et ses couteaux

J'aime la flamme au corps de femme

Flamme liane aux hanches de gitane

 

Mais j'aime aussi la braise qui frissonne

Au moindre attouchement du vent

J'aime la braise qui rue et se cabre

Tout au bout du bâton qui l'agace

 

Mais j'aime surtout la braise apaisée

Qui écoute la nuit et qui murmure à peine.

 

 

 

25 10 71

 

XXX

 

        

 

HISTOIRE DE MOTS

 

J’ai mis tes mots dans mon panier,

Sans voir qu’il était percé ;

Certains se sont envolés

Et d’autres sont tombés.

 

J’ai su en ramasser

Mais je n’avais pas d’ailes

Pour aller tout là-haut

Chercher les plus agiles.

 

Ces quelques-uns que j’ai sauvés

J’en ai fait ce bouquet

Pour enchanter les yeux :

Soigne-le bien, arrose-le

 

octobre 2015

 

 

XXX

 

 

DIT DE LA POUBELLE

 

Excuse-moi si je t’ai éveillé

Je sais,

J’ai la voix rauque

Voix de souillon

Excuse-moi

 

Excuse-moi

Pour ce rêve

Séché à ma plainte

Le sol est si dur

Quand je retombe

 

C’est un fichu métier

Il faut  se salir les mains

Pas le  temps de rêver

D’être belle

 

J’aurais pu naître cuivre

Moirer la flamme

Mais c’était dit

Je suis poubelle

 

J’avais l’air équivoque

Dans la vitrine

Et déjà mes clins d’œil

Fleuraient  trop l’épluchure

 

On m’a mise sur le  trottoir

Et du trottoir à la resserre

Lourde des salissures

Bavant l’ordure

 

Cabossée

Titubante

J’ai mal d’être fière

Encore

Et je cache mes mouches

 

Excuse-moi si je t’ai éveillé

Referme ta fenêtre

Va retrouver tes rêves

Et laisse-moi

La nuit

24 01 67

 

XXX

 

CREPUSCULE

 

Le jour s’effeuille

En demi-teintes

Passe un nuage

A pas de rêve

 

Un oiseau là-bas

Tisse son chant

Dans les secrets

D’un solitaire

 

Encore Fripon

Qui jappe clair

Puis les portes

Qui claquent

 

Et c’est l’heure venue

D’aller boire à la lune

Qui s’en vient

A pas de reine

18 1 67

 

XXX

 

 

PAS FACILE 

 

Pas facile d’être un oiseau-mouche

D’avoir deux pattes au lieu de six

De se regarder dans la glace

Au côté d’un aigle royal

 

Pas facile d’être un oiseau-lyre

Et de ne pas pouvoir jouer

De l’accordéon du banjo

De la guitare ou du pipeau

 

Pas facile d’être un oiseau noir

Quand on aime la vie en rose

Les fleurs de toutes les couleurs

L’or du soleil dans le ciel bleu

 

Pas facile d’être un oiseau blanc

Quand la  pollution la grisaille

Vous obligent à voler très haut

Pour deviner les arcs-en-ciel

 

11 12 15

 

XXX

 

 

L’HIVER

 

Bonne femme l’hiver

A de la neige sous ses sabots

Elle a le nez qui goutte

Le rire qui grelotte

 

Elle a des claques de bise

Qu’elle nous jette à la figure

Et des breloques de glace

Qu’elle accroche  au bord des toits

 

Elle cire les trottoirs

Pour culbuter les vieilles gens

Elle invente des pas de danse

Sur des parquets de verglas

 

Elle joue tant de tours aux passants

Que par les bois et les forêts

Les arbres qui sont de braves gens

En attrapent des cheveux blancs

18 8 68

 

XXX



 

SABLIER

 

Le sable a tout son temps

Pour élever la dune

Ou cerner l’océan

 

Il compte grain à grain

Mais ne sait que l’instant

Car il est sans mémoire

 

Qu’on le tourne ou retourne

Jamais son sablier

Ne revient à hier

 

23 11 15

 

 

 

XXX

 

 

 

GRENIER

 

 

Dans mes coffres aux trésors

J'ai des refrains pour toutes les chansons

Des carafes pour toutes les liqueurs

 

Dessous des hardes de baladin

Voici les ors de Balthazar

Et la lanterne d'Aladin

 

Voici des harpes pour les grillons

La baguette de Mélusine

Et le soulier de Cendrillon

 

Voici une mouette un planeur

Le rire d'une cascade

Et des peintures et des couleurs

Choisis

 

14 06 68

 

XXX

 

 

JOURNALISTES

 

Je nous le demande accusés:

Qu'as-tu fait de ton métier ?

Il te vint de rencontre

Ou je l'avais choisi :

Fardeau de mains tendues

De corps et de cris, de foules et de fringales

Et nous et moi pour inventer le sens...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Il te donnait peine et solitude

Mais la gloire de précéder le jour,

D'être là pour la naissance

De peser au premier cri son destin de clameur

D'être veilleur de cauchemars pour accoucher l'espoir...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Il devint quotidien, jours tracés,

Heures de service et puis on ferme,

Recette de mots blêmes

A conjuguer au passé décomposé

Doigt sur la couture

Et cul tendu vers la carrière...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Et ma fille qui vivra

L'avenir que je parture

Devra récuser notre enfant :

Je nous serons les accusés

D'avoir étés veules et sans voix

Devant le talent du monde...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier ?

Juin 1980

 

XXX

 

BOHEME

 

 

N'ai jamais voilé que l'air du temps ;

Ventre plus creux que tronc d'église,

N'ai pour arme qu'un pipeau

Et pour ami un chat-huant.

 

Mais, si goulot m'était donné,

Deviendrais plus riche qu'un tonnelier,

Aurais demeure en pierre de neige

Et monture à l'amble du vent ; 

 

Mettrais costume à paillettes

et, pourquoi pas ? chapeau pointu,

Nœud de pie, queue de papillon,

Serais élu roi des clowns !

Accrocherais ma balançoire

Aux cornes du Bélier

Et jouerais aux quilles

Avec les mats des réverbères ; 

Et si enfin tout chavirait,

Roterais à la figure des gens

Avant d'endormir mon pipeau,

De bercer mon chat-huant.

27 11 68

 

XXX

 

CONTE A DORMIR DEBOUT

 

L’aubade du clair de lune

Fera danser des lutins

Dans la chambre des fées

Quatre cigales et trois grillons

Donneront la musique

Un gros nuage au ventre blanc

Servira d’édredon

Une toison de zibeline

Sera taie d’oreiller

On laissera le temps au millepatte

De délacer un à un ses souliers

Puis on s’endormira

Dans le nid d’un oiseau

 

17 03 16

 

XXX

 

 

PROCESSION

 

Des maîtres cubes de béton

Processionnent en rang d'oignons

Sous la bannière du néon

 

Frères laids consacrés concentrés

Ils écarquillent leurs fenêtres

En égrenant leurs litanies

 

Suant l'asphalte et le bitume

Ils mènent jusqu'aux chaumières

Leur procession d'abrogation

 

Et bavant des chêneaux

Ils balancent leurs encenseurs

Pour les vêpres du temps

1967

 

XXX

 

 

LE VENT

 

Quand mon ami le vent s'en revint de Bohème

Il avait dans ses poches un flacon de bon vin

Des rires des chansons et mille facéties

 

Quand le vent mon ami arriva sur la place

Il fit la pirouette juste devant le maire

Et hop sans prévenir lui vola son chapeau

 

Puis voyant arriver madame la crémière

A pas coquins le vent s'approcha d'elle et frou

Souleva son jupon fit voler ses dentelles

 

La ville s'offusqua des frasques de ce vent

On alerta le brigadier

Qui sacra, bougre de bougre, et dressa procès-verbal

 

Mais ce vent-là mon vieil ami

S'en vint frapper à mon volet

Et je crus bon de lui ouvrir tout grand

 

Il vint s'asseoir dans mon fauteuil

Je lui offris un verre de vieux rhum

Il le vida d'un trait puis il claqua la langue

 

Enfin il croisa les mains sur son ventre

Et sans plus de façons lui mon ami le vent

S'endormit là dans mon fauteuil.

 

1970

 

 

XXX

 

 

 

 

ICEBERGS

 

Monstres pour l’homme

Ils errent sur les flots.

On les voit quelquefois

Balancer un oiseau

Sans bien savoir

Comment le réchauffer.

 

Ils pourraient faire trembler

Exiger leur part de feu

Mais ils passent en frissonnant,

Marchant d’un pas pénible,

Toujours au large,

Sans s’incliner.

 

Et, au bout de la route,

Les voilà qui s’écorchent,

Qui s’arrachent et succombent,

Ne laissant qu’un grand cri

Et quelques larmes dans la mer.

 

09 05 67

 

XXX

 

QUETE

 

Pour que du nid au jour l'attente s'en aille éclore

Et soient comblés les veilleurs

Ecuyers

Au gonfanon de sang

Barbares

Aux cheveux dénoués

Ils ont armé leur poing d'un tranchoir

Et

Mordus de fringales

Creusés de gel

Taraudés de feu

Ils ont bondi vers les astres

Pour arracher aux tripes du vent

Un breuvage philosophale

Fait de foudre

Et de lune

 

Juin 1968

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RECETTE

 

Décrocher un bel arc-en-ciel,

Le défroisser du bout des doigts

Pour l'étaler avec grand soin ;

 

Choisir ensuite un fil de lune

Et enfiler l'une après l'autre

Des étincelles en kyrielle ;

 

Cueillir devant chez-soi le rire d'un passant

Bien l'arroser de vent d'autan

Et relever d'un rien de bise ;

 

Rouler le tout dans l'arc-en-ciel

Puis dans un plat de pur cristal

Placer au four sans plus attendre ;

 

Laisser mitonner le temps qu'il faudra.

A déguster du bout des rêves,

En contemplant les hirondelles.

 

03 11 15

 

XXX

 


QUI ?

 

Et qui suis-je après tout

Avec mes mains cent fois lavées

Mon panier d'étincelles ?

 

Un fou du roi

Un troubadour d'antan

Qui chercherait sa vielle ?

 

L'envoyé d'un Baal

Pour macérer des philtres

Agiter des crécelles ? 

 

Ou les cheveux d'un ange

Avec les pieds d'un bouc

Et les sursauts d'une hirondelle ?

 

Et qui suis-je après tout

Si ce n'est l'oiseau blanc

Le guetteur d'arc-en-ciel ?

 

Mai 1967

 

 

XXX

 

 

REVES

 

Si tu viens dans ma maison

Prends bien garde en ouvrant les fenêtres

Un rêve pourrait s'envoler.

J'en ai de pleins paniers

Posés comme ça au p'tit bonheur

Et ils ont tous envie d'aller flâner

 

De jouer aux gendarmes et aux voleurs

Avec les chats de gouttières

Sur les toits de Paris

 

D'accrocher des lampions

De toutes les couleurs

A la barbe de la tour Eiffel

 

Ce sont des rêves de vaurien

Habillés comme Arlequin

Et qui vont à pas de danse

 

N'ont pas plus de plomb dans la tête

Que bulles de savon

Et voguent ou volent mes feux-follets

 

Si tu viens dans ma maison

Prends bien garde en ouvrant les fenêtres

Un rêve pourrait s'envoler

 

juillet 1968

 

XXX

 

VOILA-T-Y PAS

 

Voilà-t-y pas qu’la lune

S’met à faire des bonds d’chèvre

Par-dessus la tête des maisons

 

Voilà-t-y pas qu’les rues

S’en vont à la pêche

Un réverbère dans chaque main

 

Voilà-t-y pas qu’la Saône

S’en va au bras du Rhône

Faire une ballade en mer

 

Voilà-t-y pas qu’les agents d’ville

Font des sourires aux papillons

Et qu’ils jouent à chat perché

 

Voilà-t-y pas qu’le vin d’ma cave

S’met à sauter à cloche-pied

Et à danser la samboucta

 

Voilà-t-y pas qu’tout ça ça chante

Voilà-t-y pas qu’tout ça ça rêve

Voilà-t-y-pas qu’c’est un vrai dimanche.

18 11 68

 

XXX

 

LUNE

 

Les naseaux

Des chevaux

De la lune

Fument

 

Bouquets d'étoiles

En étincelles

Sous leurs sabots

Volent

 

Les continents

Holà

Les continents

En ont un haut-le-cœur

 

Qui connaît

Le sacré

Sacripant

Qui a osé

 

Chatouiller

Les chevaux

De la lune

Sous les naseaux

 

Avec

La plume

De

L'ami Pierrot

 

7 3 69

 

 

XXX

 

PEOPLE

 

Le sage à l’air entendu

Ecouta d’une oreille attentive

Ce que lui confia en secret

L’homme du peuple apprivoisé

 

Il consigna tout cela

Avec ses propres commentaires

Dans un grand livre rouge

Que préfaça l’un des Larousse

 

L’ouvrage fut un succès

Il obtint le prix Goncourt

Et celui de l’arc de triomphe

On en parla au vingt heure

 

C’était la recette des pois cassés

1992

 

XXX

 

 

    

 

BRAISES

 

J'aime la flamme pour son vin

Ses clameurs et ses couteaux

J'aime la flamme au corps de femme

Flamme liane aux hanches de gitane

 

Mais j'aime aussi la braise qui frissonne

Au moindre attouchement du vent

J'aime la braise qui rue et se cabre

Tout au bout du bâton qui l'agace

 

Mais j'aime surtout la braise apaisée

Qui écoute la nuit et qui murmure à peine.

 

 

 

25 10 71

 

XXX

 

        

 

HISTOIRE DE MOTS

 

J’ai mis tes mots dans mon panier,

Sans voir qu’il était percé ;

Certains se sont envolés

Et d’autres sont tombés.

 

J’ai su en ramasser

Mais je n’avais pas d’ailes

Pour aller tout là-haut

Chercher les plus agiles.

 

Ces quelques-uns que j’ai sauvés

J’en ai fait ce bouquet

Pour enchanter les yeux :

Soigne-le bien, arrose-le

 

octobre 2015

 

 

XXX

 

 

DIT DE LA POUBELLE

 

Excuse-moi si je t’ai éveillé

Je sais,

J’ai la voix rauque

Voix de souillon

Excuse-moi

 

Excuse-moi

Pour ce rêve

Séché à ma plainte

Le sol est si dur

Quand je retombe

 

C’est un fichu métier

Il faut  se salir les mains

Pas le  temps de rêver

D’être belle

 

J’aurais pu naître cuivre

Moirer la flamme

Mais c’était dit

Je suis poubelle

 

J’avais l’air équivoque

Dans la vitrine

Et déjà mes clins d’œil

Fleuraient  trop l’épluchure

 

On m’a mise sur le  trottoir

Et du trottoir à la resserre

Lourde des salissures

Bavant l’ordure

 

Cabossée

Titubante

J’ai mal d’être fière

Encore

Et je cache mes mouches

 

Excuse-moi si je t’ai éveillé

Referme ta fenêtre

Va retrouver tes rêves

Et laisse-moi

La nuit

24 01 67

 

XXX

 

CREPUSCULE

 

Le jour s’effeuille

En demi-teintes

Passe un nuage

A pas de rêve

 

Un oiseau là-bas

Tisse son chant

Dans les secrets

D’un solitaire

 

Encore Fripon

Qui jappe clair

Puis les portes

Qui claquent

 

Et c’est l’heure venue

D’aller boire à la lune

Qui s’en vient

A pas de reine

18 1 67

 

XXX

 

 

PAS FACILE 

 

Pas facile d’être un oiseau-mouche

D’avoir deux pattes au lieu de six

De se regarder dans la glace

Au côté d’un aigle royal

 

Pas facile d’être un oiseau-lyre

Et de ne pas pouvoir jouer

De l’accordéon du banjo

De la guitare ou du pipeau

 

Pas facile d’être un oiseau noir

Quand on aime la vie en rose

Les fleurs de toutes les couleurs

L’or du soleil dans le ciel bleu

 

Pas facile d’être un oiseau blanc

Quand la  pollution la grisaille

Vous obligent à voler très haut

Pour deviner les arcs-en-ciel

 

11 12 15

 

XXX

 

 

L’HIVER

 

Bonne femme l’hiver

A de la neige sous ses sabots

Elle a le nez qui goutte

Le rire qui grelotte

 

Elle a des claques de bise

Qu’elle nous jette à la figure

Et des breloques de glace

Qu’elle accroche  au bord des toits

 

Elle cire les trottoirs

Pour culbuter les vieilles gens

Elle invente des pas de danse

Sur des parquets de verglas

 

Elle joue tant de tours aux passants

Que par les bois et les forêts

Les arbres qui sont de braves gens

En attrapent des cheveux blancs

18 8 68

 

XXX



 

SABLIER

 

Le sable a tout son temps

Pour élever la dune

Ou cerner l’océan

 

Il compte grain à grain

Mais ne sait que l’instant

Car il est sans mémoire

 

Qu’on le tourne ou retourne

Jamais son sablier

Ne revient à hier

 

23 11 15

 

 

 

XXX

 

 

 

GRENIER

 

 

Dans mes coffres aux trésors

J'ai des refrains pour toutes les chansons

Des carafes pour toutes les liqueurs

 

Dessous des hardes de baladin

Voici les ors de Balthazar

Et la lanterne d'Aladin

 

Voici des harpes pour les grillons

La baguette de Mélusine

Et le soulier de Cendrillon

 

Voici une mouette un planeur

Le rire d'une cascade

Et des peintures et des couleurs

Choisis

 

14 06 68

 

XXX

 

 

JOURNALISTES

 

Je nous le demande accusés:

Qu'as-tu fait de ton métier ?

Il te vint de rencontre

Ou je l'avais choisi :

Fardeau de mains tendues

De corps et de cris, de foules et de fringales

Et nous et moi pour inventer le sens...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Il te donnait peine et solitude

Mais la gloire de précéder le jour,

D'être là pour la naissance

De peser au premier cri son destin de clameur

D'être veilleur de cauchemars pour accoucher l'espoir...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Il devint quotidien, jours tracés,

Heures de service et puis on ferme,

Recette de mots blêmes

A conjuguer au passé décomposé

Doigt sur la couture

Et cul tendu vers la carrière...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Et ma fille qui vivra

L'avenir que je parture

Devra récuser notre enfant :

Je nous serons les accusés

D'avoir étés veules et sans voix

Devant le talent du monde...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier ?

Juin 1980

 

XXX

 

BOHEME

 

 

N'ai jamais voilé que l'air du temps ;

Ventre plus creux que tronc d'église,

N'ai pour arme qu'un pipeau

Et pour ami un chat-huant.

 

Mais, si goulot m'était donné,

Deviendrais plus riche qu'un tonnelier,

Aurais demeure en pierre de neige

Et monture à l'amble du vent ; 

 

Mettrais costume à paillettes

et, pourquoi pas ? chapeau pointu,

Nœud de pie, queue de papillon,

Serais élu roi des clowns !

Accrocherais ma balançoire

Aux cornes du Bélier

Et jouerais aux quilles

Avec les mats des réverbères ; 

Et si enfin tout chavirait,

Roterais à la figure des gens

Avant d'endormir mon pipeau,

De bercer mon chat-huant.

27 11 68

 

XXX

 

CONTE A DORMIR DEBOUT

 

L’aubade du clair de lune

Fera danser des lutins

Dans la chambre des fées

Quatre cigales et trois grillons

Donneront la musique

Un gros nuage au ventre blanc

Servira d’édredon

Une toison de zibeline

Sera taie d’oreiller

On laissera le temps au millepatte

De délacer un à un ses souliers

Puis on s’endormira

Dans le nid d’un oiseau

 

17 03 16

 

XXX

 

 

PROCESSION

 

Des maîtres cubes de béton

Processionnent en rang d'oignons

Sous la bannière du néon

 

Frères laids consacrés concentrés

Ils écarquillent leurs fenêtres

En égrenant leurs litanies

 

Suant l'asphalte et le bitume

Ils mènent jusqu'aux chaumières

Leur procession d'abrogation

 

Et bavant des chêneaux

Ils balancent leurs encenseurs

Pour les vêpres du temps

1967

 

XXX

 

 

LE VENT

 

Quand mon ami le vent s'en revint de Bohème

Il avait dans ses poches un flacon de bon vin

Des rires des chansons et mille facéties

 

Quand le vent mon ami arriva sur la place

Il fit la pirouette juste devant le maire

Et hop sans prévenir lui vola son chapeau

 

Puis voyant arriver madame la crémière

A pas coquins le vent s'approcha d'elle et frou

Souleva son jupon fit voler ses dentelles

 

La ville s'offusqua des frasques de ce vent

On alerta le brigadier

Qui sacra, bougre de bougre, et dressa procès-verbal

 

Mais ce vent-là mon vieil ami

S'en vint frapper à mon volet

Et je crus bon de lui ouvrir tout grand

 

Il vint s'asseoir dans mon fauteuil

Je lui offris un verre de vieux rhum

Il le vida d'un trait puis il claqua la langue

 

Enfin il croisa les mains sur son ventre

Et sans plus de façons lui mon ami le vent

S'endormit là dans mon fauteuil.

 

1970

 

 

XXX

 

 

 

 

ICEBERGS

 

Monstres pour l’homme

Ils errent sur les flots.

On les voit quelquefois

Balancer un oiseau

Sans bien savoir

Comment le réchauffer.

 

Ils pourraient faire trembler

Exiger leur part de feu

Mais ils passent en frissonnant,

Marchant d’un pas pénible,

Toujours au large,

Sans s’incliner.

 

Et, au bout de la route,

Les voilà qui s’écorchent,

Qui s’arrachent et succombent,

Ne laissant qu’un grand cri

Et quelques larmes dans la mer.

 

09 05 67

 

XXX

 

QUETE

 

Pour que du nid au jour l'attente s'en aille éclore

Et soient comblés les veilleurs

Ecuyers

Au gonfanon de sang

Barbares

Aux cheveux dénoués

Ils ont armé leur poing d'un tranchoir

Et

Mordus de fringales

Creusés de gel

Taraudés de feu

Ils ont bondi vers les astres

Pour arracher aux tripes du vent

Un breuvage philosophale

Fait de foudre

Et de lune

 

Juin 1968

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RECETTE

 

Décrocher un bel arc-en-ciel,

Le défroisser du bout des doigts

Pour l'étaler avec grand soin ;

 

Choisir ensuite un fil de lune

Et enfiler l'une après l'autre

Des étincelles en kyrielle ;

 

Cueillir devant chez-soi le rire d'un passant

Bien l'arroser de vent d'autan

Et relever d'un rien de bise ;

 

Rouler le tout dans l'arc-en-ciel

Puis dans un plat de pur cristal

Placer au four sans plus attendre ;

 

Laisser mitonner le temps qu'il faudra.

A déguster du bout des rêves,

En contemplant les hirondelles.

 

03 11 15

 

XXX

 


QUI ?

 

Et qui suis-je après tout

Avec mes mains cent fois lavées

Mon panier d'étincelles ?

 

Un fou du roi

Un troubadour d'antan

Qui chercherait sa vielle ?

 

L'envoyé d'un Baal

Pour macérer des philtres

Agiter des crécelles ? 

 

Ou les cheveux d'un ange

Avec les pieds d'un bouc

Et les sursauts d'une hirondelle ?

 

Et qui suis-je après tout

Si ce n'est l'oiseau blanc

Le guetteur d'arc-en-ciel ?

 

Mai 1967

 

 

XXX

 

 

REVES

 

Si tu viens dans ma maison

Prends bien garde en ouvrant les fenêtres

Un rêve pourrait s'envoler.

J'en ai de pleins paniers

Posés comme ça au p'tit bonheur

Et ils ont tous envie d'aller flâner

 

De jouer aux gendarmes et aux voleurs

Avec les chats de gouttières

Sur les toits de Paris

 

D'accrocher des lampions

De toutes les couleurs

A la barbe de la tour Eiffel

 

Ce sont des rêves de vaurien

Habillés comme Arlequin

Et qui vont à pas de danse

 

N'ont pas plus de plomb dans la tête

Que bulles de savon

Et voguent ou volent mes feux-follets

 

Si tu viens dans ma maison

Prends bien garde en ouvrant les fenêtres

Un rêve pourrait s'envoler

 

juillet 1968

 

XXX

 

VOILA-T-Y PAS

 

Voilà-t-y pas qu’la lune

S’met à faire des bonds d’chèvre

Par-dessus la tête des maisons

 

Voilà-t-y pas qu’les rues

S’en vont à la pêche

Un réverbère dans chaque main

 

Voilà-t-y pas qu’la Saône

S’en va au bras du Rhône

Faire une ballade en mer

 

Voilà-t-y pas qu’les agents d’ville

Font des sourires aux papillons

Et qu’ils jouent à chat perché

 

Voilà-t-y pas qu’le vin d’ma cave

S’met à sauter à cloche-pied

Et à danser la samboucta

 

Voilà-t-y pas qu’tout ça ça chante

Voilà-t-y pas qu’tout ça ça rêve

Voilà-t-y-pas qu’c’est un vrai dimanche.

18 11 68

 

XXX

 

LUNE

 

Les naseaux

Des chevaux

De la lune

Fument

 

Bouquets d'étoiles

En étincelles

Sous leurs sabots

Volent

 

Les continents

Holà

Les continents

En ont un haut-le-cœur

 

Qui connaît

Le sacré

Sacripant

Qui a osé

 

Chatouiller

Les chevaux

De la lune

Sous les naseaux

 

Avec

La plume

De

L'ami Pierrot

 

7 3 69

 

 

XXX

 

PEOPLE

 

Le sage à l’air entendu

Ecouta d’une oreille attentive

Ce que lui confia en secret

L’homme du peuple apprivoisé

 

Il consigna tout cela

Avec ses propres commentaires

Dans un grand livre rouge

Que préfaça l’un des Larousse

 

L’ouvrage fut un succès

Il obtint le prix Goncourt

Et celui de l’arc de triomphe

On en parla au vingt heure

 

C’était la recette des pois cassés

1992

 

XXX

 

 

    

 

BRAISES

 

J'aime la flamme pour son vin

Ses clameurs et ses couteaux

J'aime la flamme au corps de femme

Flamme liane aux hanches de gitane

 

Mais j'aime aussi la braise qui frissonne

Au moindre attouchement du vent

J'aime la braise qui rue et se cabre

Tout au bout du bâton qui l'agace

 

Mais j'aime surtout la braise apaisée

Qui écoute la nuit et qui murmure à peine.

 

 

 

25 10 71

 

XXX

 

        

 

HISTOIRE DE MOTS

 

J’ai mis tes mots dans mon panier,

Sans voir qu’il était percé ;

Certains se sont envolés

Et d’autres sont tombés.

 

J’ai su en ramasser

Mais je n’avais pas d’ailes

Pour aller tout là-haut

Chercher les plus agiles.

 

Ces quelques-uns que j’ai sauvés

J’en ai fait ce bouquet

Pour enchanter les yeux :

Soigne-le bien, arrose-le

 

octobre 2015

 

 

XXX

 

 

DIT DE LA POUBELLE

 

Excuse-moi si je t’ai éveillé

Je sais,

J’ai la voix rauque

Voix de souillon

Excuse-moi

 

Excuse-moi

Pour ce rêve

Séché à ma plainte

Le sol est si dur

Quand je retombe

 

C’est un fichu métier

Il faut  se salir les mains

Pas le  temps de rêver

D’être belle

 

J’aurais pu naître cuivre

Moirer la flamme

Mais c’était dit

Je suis poubelle

 

J’avais l’air équivoque

Dans la vitrine

Et déjà mes clins d’œil

Fleuraient  trop l’épluchure

 

On m’a mise sur le  trottoir

Et du trottoir à la resserre

Lourde des salissures

Bavant l’ordure

 

Cabossée

Titubante

J’ai mal d’être fière

Encore

Et je cache mes mouches

 

Excuse-moi si je t’ai éveillé

Referme ta fenêtre

Va retrouver tes rêves

Et laisse-moi

La nuit

24 01 67

 

XXX

 

CREPUSCULE

 

Le jour s’effeuille

En demi-teintes

Passe un nuage

A pas de rêve

 

Un oiseau là-bas

Tisse son chant

Dans les secrets

D’un solitaire

 

Encore Fripon

Qui jappe clair

Puis les portes

Qui claquent

 

Et c’est l’heure venue

D’aller boire à la lune

Qui s’en vient

A pas de reine

18 1 67

 

XXX

 

 

PAS FACILE 

 

Pas facile d’être un oiseau-mouche

D’avoir deux pattes au lieu de six

De se regarder dans la glace

Au côté d’un aigle royal

 

Pas facile d’être un oiseau-lyre

Et de ne pas pouvoir jouer

De l’accordéon du banjo

De la guitare ou du pipeau

 

Pas facile d’être un oiseau noir

Quand on aime la vie en rose

Les fleurs de toutes les couleurs

L’or du soleil dans le ciel bleu

 

Pas facile d’être un oiseau blanc

Quand la  pollution la grisaille

Vous obligent à voler très haut

Pour deviner les arcs-en-ciel

 

11 12 15

 

XXX

 

 

L’HIVER

 

Bonne femme l’hiver

A de la neige sous ses sabots

Elle a le nez qui goutte

Le rire qui grelotte

 

Elle a des claques de bise

Qu’elle nous jette à la figure

Et des breloques de glace

Qu’elle accroche  au bord des toits

 

Elle cire les trottoirs

Pour culbuter les vieilles gens

Elle invente des pas de danse

Sur des parquets de verglas

 

Elle joue tant de tours aux passants

Que par les bois et les forêts

Les arbres qui sont de braves gens

En attrapent des cheveux blancs

18 8 68

 

XXX



 

SABLIER

 

Le sable a tout son temps

Pour élever la dune

Ou cerner l’océan

 

Il compte grain à grain

Mais ne sait que l’instant

Car il est sans mémoire

 

Qu’on le tourne ou retourne

Jamais son sablier

Ne revient à hier

 

23 11 15

 

 

 

XXX

 

 

 

GRENIER

 

 

Dans mes coffres aux trésors

J'ai des refrains pour toutes les chansons

Des carafes pour toutes les liqueurs

 

Dessous des hardes de baladin

Voici les ors de Balthazar

Et la lanterne d'Aladin

 

Voici des harpes pour les grillons

La baguette de Mélusine

Et le soulier de Cendrillon

 

Voici une mouette un planeur

Le rire d'une cascade

Et des peintures et des couleurs

Choisis

 

14 06 68

 

XXX

 

 

JOURNALISTES

 

Je nous le demande accusés:

Qu'as-tu fait de ton métier ?

Il te vint de rencontre

Ou je l'avais choisi :

Fardeau de mains tendues

De corps et de cris, de foules et de fringales

Et nous et moi pour inventer le sens...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Il te donnait peine et solitude

Mais la gloire de précéder le jour,

D'être là pour la naissance

De peser au premier cri son destin de clameur

D'être veilleur de cauchemars pour accoucher l'espoir...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Il devint quotidien, jours tracés,

Heures de service et puis on ferme,

Recette de mots blêmes

A conjuguer au passé décomposé

Doigt sur la couture

Et cul tendu vers la carrière...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier?

 

Et ma fille qui vivra

L'avenir que je parture

Devra récuser notre enfant :

Je nous serons les accusés

D'avoir étés veules et sans voix

Devant le talent du monde...

 

Je nous le demande accusés :

Qu'as-tu fait de ton métier ?

Juin 1980

 

XXX

 

BOHEME

 

 

N'ai jamais voilé que l'air du temps ;

Ventre plus creux que tronc d'église,

N'ai pour arme qu'un pipeau

Et pour ami un chat-huant.

 

Mais, si goulot m'était donné,

Deviendrais plus riche qu'un tonnelier,

Aurais demeure en pierre de neige

Et monture à l'amble du vent ; 

 

Mettrais costume à paillettes

et, pourquoi pas ? chapeau pointu,

Nœud de pie, queue de papillon,

Serais élu roi des clowns !

Accrocherais ma balançoire

Aux cornes du Bélier

Et jouerais aux quilles

Avec les mats des réverbères ; 

Et si enfin tout chavirait,

Roterais à la figure des gens

Avant d'endormir mon pipeau,

De bercer mon chat-huant.

27 11 68

 

XXX

 

CONTE A DORMIR DEBOUT

 

L’aubade du clair de lune

Fera danser des lutins

Dans la chambre des fées

Quatre cigales et trois grillons

Donneront la musique

Un gros nuage au ventre blanc

Servira d’édredon

Une toison de zibeline

Sera taie d’oreiller

On laissera le temps au millepatte

De délacer un à un ses souliers

Puis on s’endormira

Dans le nid d’un oiseau

 

17 03 16

 

XXX

 

 

PROCESSION

 

Des maîtres cubes de béton

Processionnent en rang d'oignons

Sous la bannière du néon

 

Frères laids consacrés concentrés

Ils écarquillent leurs fenêtres

En égrenant leurs litanies

 

Suant l'asphalte et le bitume

Ils mènent jusqu'aux chaumières

Leur procession d'abrogation

 

Et bavant des chêneaux

Ils balancent leurs encenseurs

Pour les vêpres du temps

1967

 

XXX

 

 

LE VENT

 

Quand mon ami le vent s'en revint de Bohème

Il avait dans ses poches un flacon de bon vin

Des rires des chansons et mille facéties

 

Quand le vent mon ami arriva sur la place

Il fit la pirouette juste devant le maire

Et hop sans prévenir lui vola son chapeau

 

Puis voyant arriver madame la crémière

A pas coquins le vent s'approcha d'elle et frou

Souleva son jupon fit voler ses dentelles

 

La ville s'offusqua des frasques de ce vent

On alerta le brigadier

Qui sacra, bougre de bougre, et dressa procès-verbal

 

Mais ce vent-là mon vieil ami

S'en vint frapper à mon volet

Et je crus bon de lui ouvrir tout grand

 

Il vint s'asseoir dans mon fauteuil

Je lui offris un verre de vieux rhum

Il le vida d'un trait puis il claqua la langue

 

Enfin il croisa les mains sur son ventre

Et sans plus de façons lui mon ami le vent

S'endormit là dans mon fauteuil.

 

1970

 

 

XXX

 

 

 

 

ICEBERGS

 

Monstres pour l’homme

Ils errent sur les flots.

On les voit quelquefois

Balancer un oiseau

Sans bien savoir

Comment le réchauffer.

 

Ils pourraient faire trembler

Exiger leur part de feu

Mais ils passent en frissonnant,

Marchant d’un pas pénible,

Toujours au large,

Sans s’incliner.

 

Et, au bout de la route,

Les voilà qui s’écorchent,

Qui s’arrachent et succombent,

Ne laissant qu’un grand cri

Et quelques larmes dans la mer.

 

09 05 67

 

XXX

 

QUETE

 

Pour que du nid au jour l'attente s'en aille éclore

Et soient comblés les veilleurs

Ecuyers

Au gonfanon de sang

Barbares

Aux cheveux dénoués

Ils ont armé leur poing d'un tranchoir

Et

Mordus de fringales

Creusés de gel

Taraudés de feu

Ils ont bondi vers les astres

Pour arracher aux tripes du vent

Un breuvage philosophale

Fait de foudre

Et de lune

 

Juin 1968

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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